Pourquoi l’alimentation 12 V est le point faible (ou fort) de vos caméras
Sur le terrain, la majorité des « pannes » de caméras que j’ai vues n’avaient rien à voir avec la caméra elle-même. Dans plus d’un cas sur deux, le problème venait… de l’alimentation 12 V.
Caméra qui redémarre en boucle, image qui fige la nuit, infrarouge qui ne s’allume plus, ou pire, caméra totalement HS après un orage : dès qu’on met le nez dedans, on retrouve souvent :
- un adaptateur 12 V sous-dimensionné,
- un câble trop fin sur 20 ou 30 mètres,
- une multiprise saturée dans un faux plafond,
- ou une alimentation sans protections, achetée au rabais.
Pourtant, bien alimenter une caméra 12 V n’a rien de magique. En respectant quelques règles simples de dimensionnement, de câblage et de protection, vous gagnez énormément en stabilité… et vous évitez de changer des caméras prématurément.
Dans cet article, on va voir comment choisir une alimentation 12 V réellement stable et sécurisée, que ce soit pour :
- une maison équipée de 2 à 4 caméras,
- un petit commerce avec 6 à 8 caméras,
- ou des locaux pros/industriels avec plusieurs dizaines de points de vue.
Rappels simples : ce que signifie vraiment « 12 V – 1 A » sur une caméra
Avant de parler matériel, un rapide rappel s’impose. Sur la fiche technique d’une caméra analogique ou IP alimentée en 12 V, vous voyez en général quelque chose comme :
- Tension : 12 V DC
- Consommation : 500 mA (0,5 A)
Ces deux données sont essentielles :
- 12 V DC : tension d’alimentation. 12 V continu, pas 24 V, pas alternatif.
- 0,5 A : courant maximal consommé par la caméra à pleine charge (généralement infrarouge allumé, jour/nuit, etc.).
On en déduit la puissance :
P = U × I → 12 V × 0,5 A = 6 W
Donc si vous avez 4 caméras de 6 W chacune, votre alimentation doit être capable de fournir au moins 24 W en 12 V, soit 2 A (24 W ÷ 12 V = 2 A).
Et là, première règle importante :
Une alimentation ne doit jamais être utilisée à 100 % de sa capacité en continu.
Visez systématiquement une marge de 30 à 50 %. Dans l’exemple ci-dessus, pour 4 caméras consommant 2 A au total, on choisira plutôt une alimentation 12 V / 3 A voire 4 A.
Alimentation individuelle, boîtier centralisé ou rail DIN : que choisir ?
Il existe trois grandes familles de solutions pour alimenter vos caméras 12 V :
- les petits adaptateurs secteur individuels (type « chargeur »),
- les alimentations 12 V centralisées dans un coffret,
- les alimentations sur rail DIN (tableau électrique).
1. Adaptateurs individuels 12 V
Vous en voyez partout : le petit bloc 12 V/1 A fourni avec une caméra ou un kit DVR/NVR.
Avantages :
- installation rapide,
- coût unitaire faible,
- pratique pour 1 ou 2 caméras isolées.
Inconvénients :
- multiplication des blocs et des prises,
- qualité très variable (beaucoup de no-name),
- difficiles à maintenir : si un adaptateur lâche dans un faux plafond, bon courage…
Je les réserve aux installations très simples (une caméra portail, une caméra intérieure ponctuelle) ou en dépannage.
2. Alimentation 12 V centralisée en coffret
C’est la solution la plus propre pour 4 caméras et plus. Vous avez un boîtier 12 V avec plusieurs sorties, souvent protégées individuellement par fusible ou disjoncteur électronique.
Avantages :
- un seul point d’alimentation à contrôler,
- sécurisé, souvent enfermé dans un local technique,
- sorties séparées : un court-circuit sur une caméra ne coupe pas tout le système,
- facilité de maintenance et de mesure (tension, courant).
Inconvénients :
- un peu plus cher à l’achat,
- nécessite un minimum de câblage (ramener tous les 12 V au coffret).
C’est ce que je recommande pour la majorité des TPE/PME, commerces et pavillons bien équipés.
3. Alimentation 12 V sur rail DIN
Dans les sites plus structurés (locaux pros, petite industrie), on intègre souvent les alimentations basse tension directement dans le tableau électrique, sur rail DIN.
Avantages :
- intégration parfaite à l’installation électrique,
- produits souvent plus robustes et plus stables (marques industrielles),
- refroidissement et durée de vie meilleurs.
Inconvénients :
- nécessite l’intervention d’un électricien si vous n’êtes pas habilité,
- coût supérieur mais justifié en environnement sensible.
Comment dimensionner correctement votre alimentation 12 V
Pour éviter les mauvaises surprises, suivez cette méthode simple :
Étape 1 : recenser les caméras et leurs consommations
Notez pour chaque caméra :
- tension : 12 V DC,
- courant max : par exemple 0,4 A, 0,6 A, 0,8 A (souvent indiqué sur l’étiquette ou la notice).
Étape 2 : calculer le courant total
Ajoutez tous les courants. Exemple concret :
- 2 caméras fixes 0,4 A chacune → 0,8 A
- 2 dômes motorisés 0,8 A chacune → 1,6 A
- Total : 2,4 A
Étape 3 : appliquer une marge de sécurité
Marge recommandée : +50 %.
2,4 A × 1,5 = 3,6 A → prenez une alimentation 12 V / 4 A minimum.
Étape 4 : tenir compte de la chute de tension sur le câble
C’est là que beaucoup d’installations ratent le coche. Une caméra à 20 ou 30 mètres de l’alimentation ne recevra pas vraiment 12 V si :
- le câble est trop fin,
- ou si vous cumulez grande longueur + forte consommation.
Résultat : tension qui tombe à 10,5–11 V en bout de ligne → instabilité, redémarrages, IR qui ne s’allume plus.
Sans entrer dans des formules complexes, retenez ces repères :
- pour des caméras jusqu’à 10 m, un câble 2 × 0,5 mm² peut suffire,
- entre 10 et 30 m, privilégiez 2 × 0,75 mm² minimum,
- au-delà de 30 m ou pour des caméras gourmandes (dômes motorisés, IR longue portée), passez en 2 × 1 mm² voire 1,5 mm².
Et dans le doute, mesurez au multimètre la tension réelle aux bornes de la caméra, IR allumé. Vous devez être idéalement entre 12 et 13 V. En dessous de 11,5 V, vous entrez en zone à risque.
12 V ou PoE : faut-il encore tirer du 12 V dédié ?
Beaucoup d’installations récentes utilisent du PoE (alimentation par le câble réseau) au lieu d’une alimentation 12 V dédiée.
Pour les caméras IP, c’est souvent une excellente option :
- un seul câble RJ45 à tirer,
- alimentation centralisée via un switch PoE,
- surveillance de l’alim intégrée (redémarrage IP, etc.).
Mais le 12 V reste omniprésent :
- caméras analogiques (AHD, CVI, TVI),
- caméras IP non PoE ou anciennes,
- éclairages infrarouges additionnels,
- microphones, petits modules complémentaires.
Dans la pratique, on se retrouve souvent avec un « mix » PoE + 12 V. Et c’est bien là que la partie 12 V est parfois négligée. L’enjeu est donc de traiter le 12 V avec le même sérieux que le réseau : repérage, protection, dimensionnement.
Stabilité et sécurité : protections indispensables sur vos alimentations 12 V
Une bonne alimentation pour caméra ne se limite pas à « ça sort du 12 V ».
1. Protection contre les courts-circuits
Sur une alimentation centralisée, chaque départ doit être :
- soit protégé individuellement par fusible (verre ou réarmable),
- soit limité en courant par la conception du boîtier (protection électronique).
But : qu’un câble écrasé par une porte coupe seulement la ligne concernée, pas tout le système.
2. Protection contre les surtensions
Les alimentations premier prix filtrent très mal le secteur. Une surtension ou un micro-coupure peut :
- dégrader les condensateurs dans l’alimentation,
- laisser passer un pic qui va endommager progressivement la caméra.
Sur une installation exposée (zone orageuse, site isolé, bâtiment industriel), je recommande :
- un parafoudre/parasurtenseur en tête de ligne (tableau électrique),
- des alimentations de marque, avec protections intégrées (OVP, OCP, OTP).
3. Mise à la terre et qualité du neutre
Sur certains sites, je vois encore des alimentations vissées sur un rail, sans terre, dans des tableaux bricolés, avec une prise de courant douteuse. Résultat : perturbations, bruit vidéo, déclenchements intempestifs sur d’autres équipements.
Une alimentation 230 V → 12 V doit :
- être raccordée à une prise avec terre fonctionnelle,
- être installée dans un environnement sec, ventilé, à l’abri de la poussière.
Erreurs fréquentes à éviter absolument
Voici le « best of » des erreurs que j’ai croisées, avec leurs conséquences directes.
- Utiliser une alimentation sous-dimensionnée (par exemple 12 V / 1 A pour 3 caméras qui consomment 0,6 A chacune). Conséquences : chute de tension, clignotements, redémarrages, usure prématurée de l’alim.
- Alimenter une caméra 12 V avec 24 V « parce que ça marchait à vide ». Conséquences : dans le meilleur des cas, la caméra grille instantanément ; dans le pire, elle fonctionne quelques jours avant de mourir définitivement.
- Multiplier les rallonges et dominos dans les faux plafonds. Conséquences : mauvais contacts, échauffement, court-circuits, panne difficile à diagnostiquer.
- Mettre toutes les caméras sur un seul fil sans protection. Conséquences : un défaut sur un câble coupe tout le parc, et le dépannage prend des heures.
- Ignorer la longueur de câble et tirer du 2 × 0,22 mm² sur 40 m. Conséquences : IR instable, image qui décroche la nuit, SAV à répétition.
Trois cas pratiques pour vous situer
Cas n°1 : maison avec 4 caméras extérieures 12 V
Configuration typique :
- 4 caméras bullet, 12 V, 0,5 A max,
- distances entre 10 et 20 m,
- DVR dans le garage ou le local technique.
Solution recommandée :
- un boîtier d’alimentation 12 V / 5 A avec 4 à 8 sorties protégées,
- câble 2 × 0,75 mm² vers chaque caméra,
- repérage clair des départs (étiquette « Cam 1 façade », « Cam 2 jardin », etc.).
Cas n°2 : petit commerce avec 8 caméras
Configuration typique :
- 6 caméras fixes (0,4 A),
- 2 dômes motorisés (0,8 A),
- distances de 10 à 35 m,
- environnement sensible aux coupures de courant.
Consommation totale :
- (6 × 0,4 A) + (2 × 0,8 A) = 2,4 + 1,6 = 4 A
Solution recommandée :
- alimentation 12 V / 6 A ou 8 A centralisée,
- coffret avec sorties individuelles fusibles,
- câble 2 × 0,75 mm² minimum, 2 × 1 mm² pour les plus longues,
- idéalement, alimentation raccordée à un petit onduleur (pour éviter les coupures brutales).
Cas n°3 : locaux professionnels avec 16 caméras mixtes
Configuration typique :
- 8 caméras IP en PoE,
- 8 caméras analogiques 12 V (0,5 A),
- distances variables, site exposé aux orages.
Solution recommandée :
- switch PoE manageable pour les 8 caméras IP,
- alimentation 12 V sur rail DIN, 12 V / 10 A, ou deux alimentations de 5 A pour séparer les zones,
- parafoudre en tête de tableau,
- répartir les 8 caméras sur plusieurs départs protégés pour localiser facilement un défaut.
Comment choisir une alimentation 12 V vraiment fiable
Sur le marché, on trouve de tout et surtout du pire. Pour ne pas vous tromper, voici les critères concrets à vérifier.
1. Marque et certification
- évitez les alimentations sans marque identifiable,
- privilégiez des fabricants reconnus dans l’industriel ou la sécurité,
- vérifiez la présence de marquages CE conformes, rapports de test, etc.
2. Plage de fonctionnement et protections intégrées
Cherchez dans la fiche technique :
- tension de sortie stable : 12 V ± 5 %,
- protections : OVP (over voltage), OCP (over current), SCP (short circuit), OTP (over temperature).
3. Température de fonctionnement
Dans un local technique non climatisé, en été, une alimentation bas de gamme peut vite surchauffer. Vérifiez :
- plage de température : idéalement de -10 °C à +50 °C minimum,
- présence éventuelle de ventilation ou de dissipateur adapté.
4. Bornier et connectique
Les connecteurs sont souvent le point faible :
- préférez des borniers à vis de bonne qualité pour les coffrets centralisés,
- évitez les connecteurs coaxiaux premier prix qui se desserrent avec le temps,
- assurez-vous que la section de câble supportée correspond bien aux câbles que vous utilisez.
Check-list pratique avant de valider votre installation 12 V
Pour terminer, voici une liste d’actions simples à passer en revue sur votre projet (ou installation existante) :
- Ai-je inventorié la consommation de chaque caméra (courant max) ?
- Ai-je dimensionné l’alimentation avec au moins 30 à 50 % de marge ?
- Les longueurs de câble sont-elles compatibles avec la section utilisée (0,75 mm² ou plus au-delà de 10 m) ?
- Ma solution est-elle centralisée plutôt qu’une multitude d’adaptateurs éparpillés ?
- Chaque ligne caméra est-elle protégée (fusible, disjoncteur électronique) ?
- Mon alimentation est-elle installée dans un local ventilé, sec, accessible pour la maintenance ?
- Ai-je prévu un parafoudre ou une protection secteur adaptée en environnement sensible ?
- Ai-je pris une alimentation d’une marque sérieuse, avec protections intégrées ?
- Ai-je mesuré la tension réelle en bout de ligne sur les caméras les plus éloignées (IR allumé) ?
- Toutes les lignes et caméras sont-elles clairement repérées (étiquettes, schéma) ?
Une alimentation 12 V bien pensée, c’est moins de pannes, moins d’interventions et une installation de vidéosurveillance qui tient dans le temps. Et si vous devez investir un peu plus sur l’alimentation pour gagner des années de tranquillité, le calcul est vite fait, surtout en environnement professionnel.